Constitution, coronavirus et crise sanitaire : quels outils pour réagir face à la crise du Covid-19 ?


Constitution et crise sanitaire : quels outils pour réagir face à la crise du Covid-19 ?

La crise du Covid-19 et les mesures de confinement qui vont avec nous plongent dans l’inconnu à tout point de vue : mode de vie, activité économique, organisation sociale… et environnement juridique. L’objectif de Juriswin n’est pas spécialement de faire du commentaire d’actualité mais il y a fort à parier que les examens de droit constitutionnel et de libertés publiques s’inspirent de la crise sanitaire de 2020.

Voici donc quelques éléments de réflexion et de réponse (qui ne sont ni exhaustifs ni définitifs).

La possibilité de recourir à l’article 16 de la Constitution

Première chose à remarquer : dans sa décision n° 2020-799 DC du 26 mars 2020, le Conseil constitutionnel s’appuie sur la théorie des circonstances exceptionnelles pour valider la loi organique sur l’état d’urgence sanitaire.

Nous vivons donc bien une situation exceptionnelle, ce qui permettrait de recourir à l’article 16 de la Constitution, qui permet de donner des pouvoirs étendus au président de la République.

Sans doute utile au passage de préciser que l’article 16 n’a été appliqué qu’une seule fois (du 23 avril au 29 septembre 1961), après la tentative de coup d’État en Algérie française. Vit-on une situation comparable ? Sans doute pas… d’où l’importance de distinguer possibilité juridique et opportunité politique.

La question de l’état d’urgence

La loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence prévoit dans son article 1 que « l’état d’urgence peut être déclaré […] en cas d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique. »

Cet état d’urgence a été appliqué :

  • 3 fois durant pendant la guerre d’Algérie
  • 3 fois en outre-mer durant les années 1980
  • en 2005, en raison d’émeutes dans les banlieues
  • de 2015 à 2017, en raison du risque terroriste

Et s’il y a bien eu un projet de constitutionnalisation de cette loi en 2015-2016, le texte a été abandonné par François Hollande en mars 2016.

A noter que le Conseil Constitutionnel a jugé en 1985 que le Parlement pouvait établir des régimes d’urgence en dehors de ceux prévus à l’article 16 et en dehors de celui prévu à l’article 36 de la Constitution (état de siège)… ce qui nous amène à l’état d’urgence sanitaire.

Le choix de l’état d’urgence sanitaire

Comme en écho à cet état d’urgence et plutôt que de recourir à la Constitution, l’exécutif a opté pour l’adoption d’une loi d’urgence sanitaire (adoptée le 23 mars 2020), qui vise à donner un fondement légal aux mesures restrictives de liberté prises par le Premier ministre et le ministre de la Santé pour lutter contre cette épidémie, mais aussi celles qui pourraient survenir à l’avenir.

Cette loi donne au Premier ministre la compétence pour :

  • prendre des mesures portant atteinte à la liberté d’aller et de venir, à la liberté d’entreprendre et à la liberté de réunion
  • imposer des mesures d’hygiène ou de comportement comme la distanciation sociale ou d’autres mesures barrières
  • recourir à des réquisitions afin d’assurer la continuité des services publics

Ainsi, on peut affirmer que la Constitution de 1958 permet de répondre à la crise du Covid-19, puisqu’elle permet au Parlement d’établir un régime d’urgence (qui pris la forme de l’état d’urgence sanitaire).

Néanmoins, si on vous interroge sur cette question dans le cadre d’un examen en fac de droit, ces remarques ne peuvent être qu’une partie de la réponse. N’oubliez pas qu’il faut toujours discuter la théorie et commenter la pratique

La question de la protection des libertés individuelles

Si on veut chatouiller la théorie, on peut presque affirmer que l’article 16 est plus protecteur que l’état d’urgence sanitaire !

En effet, l’article 16 prévoit que le Conseil Constitutionnel soit consulté sur toutes les mesures prises par le Président de la République… ce qui signifie que le Conseil doit dire si les mesures prises respectent ou non les droits fondamentaux. Or avec le régime d’état d’urgence sanitaire, la consultation du Conseil Constitutionnel n’est pas prévue.

Ainsi, une des modifications envisageables de la Constitution serait peut-être de prévoir cet état d’urgence sanitaire afin que les mesures prises soient soumises au contrôle du Parlement et au contrôle du juge constitutionnel (puisque le Conseil Constitutionnel est le gardien des droits et des libertés garantis par le bloc de constitutionnalité).

Le principe de précaution et les QPC

Autre remarque : l’inscription du principe de précaution dans la Constitution n’aura pas été très utile puisqu’il n’a pas vraiment été appliqué pour la gestion de cette crise, en particulier au début…

Dernière chose (et non des moindres) : la loi sur l’état d’urgence sanitaire suspend les délais de traitement des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Or la QPC permet à tout justiciable de contester la conformité à la Constitution d’une loi qui lui est opposée et qui porte atteinte aux droits et libertés. Elle est donc le seul moyen de contester les dispositions d’une loi après sa promulgation… ce qui pose un peu problème en matière de contrôle de constitutionnalité.

 

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